Le Commentaire d’Albert le Grand sur les Animaux d’Aristote »

Le commentaire sur les animaux d’Aristote rédigé par Albert le Grand (BnF, Latin 16169), fait partie de ces rares manuscrits universitaires dont le contenu scientifique est richement illustré dans un souci esthétique autant que pédagogique.

Grand savant théologien et philosophe, Albert le Grand (v. 1206-1280) a occupé une place majeure dans la vie intellectuelle du XIIIe siècle, son oeuvre prolixe a largement contribué à la diffusion de l’aristotélisme latin.Ce maître universitaire dominicain, qui fut le professeur de Thomas d’Aquin, poursuivit un travail considérable d’études et commentaires du corpus aristotélicien. Grâce à la traduction à partir des sources arabes que Michel Scot en fit quelques décennies plus tôt, Albert entreprit dans les années 1260 un vaste commentaire sur les animaux d’Aristote regroupant dans une même oeuvre l’ensemble des traités du Stagirite sur ce sujet (Histoire des animaux, Parties des animaux, Génération). Albert le Grand a mené un travail considérable paraphrasant l’oeuvre d’Aristote, la confrontant à d’autres autorités et en ponctuant cette étude d’observations personnelles issues de ses propres expérimentations.

Acheté pour une somme conséquente (18 francs) par la bibliothèque du Collège de Sorbonne à l’usage de ses « pauvres maîtres », ce manuscrit du XIVe siècle, d’apparence modeste, offre une copie soignée sur un parchemin de qualité de ce célèbre commentaire De animalibus, à laquelle de façon tout à fait surprenante et exceptionnelle, un artiste enlumineur a participé. Chacun des 26 livres est ainsi orné d’une initiale historiée qui illustre savamment le contenu des chapitres en question. D’innombrables animaux, répertoriés précisément par Albert selon le classement d’Aristote peuplent ces pages frontispices à vocation pédagogique. Si le manuscrit prend ainsi l’apparence d’un charmant bestiaire, les illustrations, suivant le texte d’Aristote, ne manquent pas d’aborder également l’étude de l’espèce humaine : le corps humain, ses organes, la génération et l’enfantement sont illustrés avec une précision médicale étonnante. Enfin, l’artiste, dans un souci de réalisme scientifique, a cherché à représenter à diverses reprises le milieu universitaire, mêlant tour à tour les scènes d’observation active à des scènes d’enseignements magistraux au cours desquelles le maître transmet son savoir à un parterre d’étudiants attentifs.

Entretien de Amandine Postec, conservateur, département des Manuscrits, BnF - Vidéos de l'Institut national du patrimoine