Conservation-restauration de Pont Nickès, sténopé grand format de Felten-Massinger, conservé au Musée des beaux-arts de Tourcoing (MUba Eugène Leroy) : compréhension des mécanismes de dégradation et recherche de matériaux compatibles pour le nettoyage et…

Résumé  : Le Cibachrome®, devenu Ilfochrome® en 1992, est un papier photographique breveté en 1963 par la société Ciba. Il s’agit d’un procédé à destruction sélective de colorants qui permet de réaliser des tirages couleurs d’après des diapositives ou directement d’après nature. La gamme de papiers à l’usage des professionnels fut commercialisée de 1980 à 2012. Outre ces qualités esthétiques, la grande stabilité des colorants azoïques constituant l’image a assuré le succès de ce papier auprès des professionnels engagés dans une démarche photographique de qualité. Ces derniers le préférant à son concurrent direct, le papier à développement chromogène, dont les colorants azométhiniques sont globalement moins stables.

Cependant, la couche image de certains tirages Cibachrome®/Ilfochrome® sur support RC n’en est pas moins fréquemment altérée. Les dégradations les plus courantes, et les plus gênantes visuellement, sont des changements d’état de surface et de couleurs extrêmes provoqués par des projections de liquides, des empreintes de doigts ou des postillons, lorsque les œuvres sont exposées sans protection. C’est le cas de Pont Nickès, un sténopé sur papier Ilfochrome® de Christine Felten et Véronique Massinger appartenant au Musée des Beaux-Arts de Tourcoing, qui nous a été confié dans le cadre de notre mémoire de fin d’études à l’Institut national du patrimoine.

A l’heure où cette technique n’est plus fabriquée, et où les rares tireurs spécialisés réalisent les derniers tirages en puisant sur leur stock de rouleaux Ilfochrome®, les facteurs induisant son extrême vulnérabilité aux liquides aqueux n’avait pas encore été mis en évidence. Il était pourtant nécessaire de les identifier afin de mieux envisager la conservation et la restauration de ce type d’œuvre. Nous avons montré dans un premier temps, grâce à l’aide des chimistes de la société Ilford, que les différences comportementales d’un tirage à l’autre ne sont pas dues à des variables technologiques des générations successives de Cibachrome/Ilfochrome®. La partie expérimentale de l’étude réalisée au CRCC a évalué quant à elle l’impact de trois facteurs environnementaux sur la réactivité à l’eau de la couche image : la chaleur en climat sec, la lumière et les variations thermohygrométriques. Les résultats montrent que la fragilisation de ces photographies serait due à une exposition intensive à la lumière. Cette dernière rendrait les colorants azoïques solubles à l’eau, avant même de provoquer leur affaiblissement. Il nous a alors été possible de reproduire les altérations typiques des Cibachrome®/Ilfochrome® sur support RC. Nous avons donc pu réaliser des tests adaptés à ces fragilités. L’usage de l’acétate d’éthyle a ainsi été validé comme solvant pour le nettoyage, seul le toluène n’était envisageable jusqu’alors. Et enfin une solution de retouche monocouche totalement réversible a été élaborée et a permis la restauration de Pont Nickès.