Les daguerréotypes du Musée de l'Homme, exemples de restauration, possibilités et limites
Mémoire de fin d'études de Jérôme Monnier (1993)
Diplôme de Restaurateur du patrimoine - Spécialité Photographie
Résumé : Le daguerréotype est le premier procédé photographique mis à la portée de tous par Louis Jacques Mandé Daguerre le 18 août 1839. Bien que cette technique soit maintenant oubliée dans sa pratique, les manuels de l'époque constituent une base intéressante pour son étude. Une approche bibliographique a permis de reconstituer, en partie, l'historique des oeuvres du Musée de l'Homme qui représentent des témoignages uniques de l'application scientifique de ce procédé de reproduction sur plaque d'argent.
Ces images ont été réalisées entre 1842 et 1850 par des photographes professionnels et amateurs. Les frères Bisson ont collaboré avec le phrénologue Pierre Marie Alexandre Dumoutier dans la reproduction de crânes et moulages rapportés de son voyage à bord de l'Astrolabe. Figurent également des noms moins connus comme Henri Jacquart, aide naturaliste au Muséum, ou bien Charles Guillain capitaine de vaisseau. Ce dernier réalisa à Zanzibar entre 1846 et 1848, probablement l'une des plus ancienne série de portraits d'africains sur daguerréotypes. La photographie est alors perçue comme moyen de reproduction servant à l'étude anthropologique en complément du matériel collecté (crânes et squelettes) et des moulages. Certains daguerréotypes ont été exposés dans la galerie d'anthropologie du Muséum avant d'être mis de côté pour plusieurs années.
Très récemment, ces plaques ont été exhumées à l'occasion d'un inventaire des collections. Placées sans écrin de protection, elles étaient rangées dans des boîtes en bois du type de celles employées pour le stockage des plaques de verre. Tous ces daguerréotypes ne sont pas parvenus jusqu'à nous en parfait état de conservation ; beaucoup ont subi les conséquences de manipulations malencontreuses (des rayures notamment), certains sont recouverts d'une couche de ternissure voilant l'image originale.
Une étude a donc été entreprise afin de mieux connaître la nature de cette couche de corrosion et de proposer un traitement de conservation adapté au daguerréotype. L'argent, principal composant de ce procédé est très sensible aux polluants atmosphériques, notamment ceux à base de composés soufrés ou chlorés. Cela se traduit le plus souvent par la formation d'une fine couche colorée dont les nuances varient en fonction de son épaisseur.
Des examens au microscope électronique à balayage et des analyses de surface ont été réalisés sur des échantillons modernes spécialement préparés en suivant les indications des manuels et traités de daguerréotypie. Les résultats obtenus avec ces témoins modernes ont été comparés avec ceux des plaques anciennes. Une analyse d'extrême surface de type E.S.C.A. (electron spectroscopy for chemical analysis)a été effectuée par le centre de nanoanalyse de l'université Claude Bernard de Lyon. Les résultats ont confirmé les précédentes études sur la corrosion du daguerréotype tout en précisant l'épaisseur moyenne de cette couche de ternissure et en révélant de nouveaux éléments, comme ceux issus de produits résiduels de traitement de fabrication.
La nature de la ternissure ayant été déterminée dans la limite des échantillons disponibles, une étude sur les conditions de son élimination est ensuite proposée. Son principe repose sur la réduction cathodique des produits de corrosion. Ce traitement en solution est contrôlable et reproductible, mais il ne convient pas aux daguerréotypes coloriés.
L'électrolyte ainsi que les potentiels de traitement ont été définis par une étude préalable effectuée sur des échantillons modernes spécialement préparés. Des tests sur des témoins anciens ont permis d'envisager une suite favorable à ce type de traitement.
Ces nouvelles possibilités offertes par l'électrochimie appliquée aux daguerréotypes ne doivent pas occulter l'une des priorités du restaurateur qui consiste à placer l'oeuvre dans les meilleures conditions de conservation face aux agressions d'ordre chimique et d'ordre physique. Ces conditions n'étant pas réunies dans le cas des oeuvres du Musée de l'Homme, un montage moderne a été proposé afin de protéger physiquement les plaques et dont les composants sont limités au strict minimum ; le daguerréotype est juste maintenu mécaniquement par un jeu de pliage sans recours au collage.
Ce type de montage permet en outre la vision de l'oeuvre dans son intégralité (l'étiquette d'identification est visible au revers), laissant apparaître les poinçons, marques de fabricant et signatures éventuelles.
La protection face aux polluants atmosphériques fait également partie des priorités du restaurateur-conservateur ; la création d'un écrin individuel de protection constitue dans ce domaine un premier pas, mais elle doit être accompagnée d'un contrôle de l'environnement où le daguerréotype est conservé et exposé si l'on veut garder encore longtemps ces premiers témoignages de l'art photographique.
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Publié le 01/12/1993